George Brassens, le polisson de la chanson



Autrefois quand j'était marmot
J'avais la phobie des gros-mots
Et si je pensais "merde" tout bas
Je ne le disais pas
Mais, maintenant que mon gagne-pain
C'est de parler comme un turlupin
Je ne pense plus "merde" pardi
Mais je le dis

Je suis le pornographe du phonographe
Le polisson de la chanson !

Début de "Le pornographe", G. Brassens.



 George Brassens est mon chanteur français préféré. Niveau chanson populaire française, toutes périodes confondues, c'est un peu le seul que j'écoute. Je vais résumer sa vie, puis je donnerais mon avis sur lui.


Biographie :



Georges Brassens marchant sur
la plage de Sète
 George Brassens est né à Sète (côte méditerranéenne française) en 1921, d'une mère catholique pratiquante et d'un père dans la maçonnerie, plus libre penseur, mais étant tous deux des amoureux de la chanson.

 Georges grandit donc à Sète, entre au collège à 12 ans, mais n'est pas un élève modèle : rêveur en classe, hors des cours, il est joueur, bagarreur, et passe beaucoup de temps à la plage. Il s'embarque dans des aventures avec sa bande de copains, qui le met parfois en mauvaise position. 

 En 1936, son professeur de français, Alphonse Bonnafé, lui donne l'amour de la poésie, et George lui montre ses essais de rimes. Il aime donc la chanson, la poésie et découvre de nouveaux styles musicaux, comme le jazz. Il est inspiré par des artistes comme Charles Trenet et Paul Verlaine.

 Impliqué dans une affaire de vol, il quitte le collège en 1939 et se rend à Paris en 1940, où il réside chez sa tante. Il y joue du piano et compose quelques chansons et poèmes. Il retourne à Sète le temps des bombardements, mais revient à Paris en septembre 40 et se consacre à la poésie. 

Georges Brassens et Jeanne Planche
 En 1943, il est envoyé aux Service du Travail Obligatoire en Allemagne, au camp de Basdorf. Il y fait de nombreuses rencontres et de nouveaux amis.
 En 1944, il retourne en France lors d'une permission, mais ne reviendra jamais en Allemagne. Il se réfugie chez Jeanne et Marcel Planche, à qui il consacrera plusieurs chansons.
 Il reste chez eux, impasse Florimont, jusqu'en 1966, dans un milieu qui lui plait : Jeanne a un cœur plein de compassion, recueillant les gens et les animaux perdus (en particulier les chats).

  Il écrit sous différents pseudonymes dans la revue anarchiste "Le Libertaire".

 Sans s'engager clairement en politique, ses chansons dénoncent de nombreux sujets comme l'hypocrisie de la société, la peine de mort, les conventions sociales, les excès de la religion, etc.

 Il écrit ses chansons en partant des textes qu'il rythme, puis adopte la mélodie au piano, avant de les transposer à la guitare. Ses partitions sont à la fois simples et complexes, car il n'a aucune connaissance du solfège et compose de manière non conventionnelle.

Georges et Joha Heiman
 Ses premières chansons, comme Le Gorille, La Mauvaise Réputation, ou Brave Margotsont interdites à la radio pendant plusieurs années.

 Il rencontre en 1947 Joha Heiman, une femme d'origine estonienne. Ils tombent amoureux., mais ne se marient pas, et ne vivront jamais sous le même toit. Cependant Georges lui témoigne un grand respect et une grande admiration, et lui dédit plusieurs chansons.


 Il devient de plus en plus célèbre au cours des années 50. Il se met à jouer dans les cabarets, où il fait de nombreuses rencontres, comme la chanteuse Patachou qui l'introduit à celui qui le suivra dans ces tournées, son ami contre-bassiste Pierre Nicolas.

 Timide, il voulait seulement écrire ses chansons, mais il finit par aussi les chanter, poussé par ses amis.
 Il publie ses chansons sur disques Polydor. Ses textes sont sujets à controverses, et le public se scandalise des paroles de certaines chansons, comme celles de Le Gorille.
 Il continue son succès grandissant, en étant invité dans les cabarets, puis sur les scènes de music-hall, au Bobino, à l'Olympia... Il est en tournée dans l'Europe et l'Afrique du Sud. La radio, par Europe1, commence à le diffuser sur les ondes.

 Son succès se poursuit dans les années 60. Il compose Les Copains d'abord pour le film Les Copains d'Yves Robert en 1964. Il chante avec Charles Trenet, son modèle depuis l'enfance. Il accompagne Juliette Gréco en 1966. 

 Il déménage de l'impasse Florimont et Jeanne après avoir vécu chez elle depuis plus de 20 ans et s'installera dans une maison du XVe arrondissement en 1969.
 Il reçoit le prix de poésie de l'Académie Française en 1967. Honoré, Georges pense cependant ne pas le mériter : "Un poète, ça vole quand même un peu plus haut que moi", dit-il.
Jacques Brel, Léo Ferré et George Brassens
 Il suit les événements de mai 68 avec bonheur et admiration depuis son lit d’hôpital (il est sujet à des coliques néphrétiques douloureuses qui l'ont parfois empêchées de finir un concert).
 Il rencontre Joël Favreau, un jeune guitariste, qui finit de composer le trio qu'ils forment sur scène, avec Pierre Nicolas.
 En 1969, il participe à une interview avec Jacques Brel et Léo Ferré pour le magasine Rock and Folk et la radio RTL.

 Il continue à se produire dans toute la France dans les années 70, Bobino étant sa scène favorite, mais il est affaibli par ses problèmes de santé.

 Il s'installe à Lézardrieux, en Bretagne en 1972, qui lui rappelle avec nostalgie son port natal.

 En 1980, sa santé s'est trop affaiblie, et il est atteint d'un cancer. Il est opéré pour une troisième fois des reins. Un an plus tard, il meurt le 29 octobre 1981. Il est enterré à Sète, au cimetière du Py, le "cimetière des pauvres".


 Il aura publié au cours de sa carrière 14 albums en studio et repris plusieurs œuvres de chanteurs et poètes.




Mon avis sur George Brassens


 J'aime Georges Brassens car il est simple et complexe à la fois.

 Il représente pour moi le potentiel créatif qui est en chacun de nous. Si il ne s'était pas intéressé à la poésie et la chanson, il aurait été quelqu'un de tout à fait "normal", comme n'importe qui. 

 Je n'écoute pas Brassens pour sa musique : bien que sympathique, entraînante, sa musique est quand même assez limitée, répétitive, et il ne chante pas toujours juste. Non, ce que j'aime chez lui, c'est son histoire, et les textes de ses chansons.


 Ses paroles parlent beaucoup de son amour et son respect de la gent féminine, racontant des histoires drôles (Brave Margot), tristes (La Prière), belles (Dans l'eau de la claire fontaine).

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 Brassens s'exprime aussi beaucoup sur lui-même : La Mauvaise Réputation ou Les Trompettes de la Renommée parlent des rapports qu'il entretient avec la société. Bon, si je l'aime bien, c'est peut-être aussi parce que je partage sa vision...
 Il remercie et fait hommage aux personnes qu'il aime (Joha dans Rien à jeter) ou qui l'ont aidé, comme Jeanne (La canne de Jeanne) et Marcel Planche (Chanson pour l'Auvergnat).
  Il consacre ces chansons à certaines professions, souvent les critiquant, comme pour les croquants (Les Croquants) ou les gendarmes (Hécatombe).

 Il plaisante et donne son avis sur des sujets sérieux, comme la mort dans Mourir pour des idées, et planifie même son propre départ dans Supplique pour être enterré à la plage de Sète.


 Sur scène, il était assez distant de son public, il jouait surtout pour lui-même, et pour ses amis qui l'accompagnaient, à qui il jetait des regards complices à chaque mot tendancieux qu'il lâchait.


 Voilà en résumé pourquoi j'aime Brassens : les sujets qu'il évoque dans ses chansons, les paroles , le personnage très humain, à la fois humble, timide et malicieux qu'il était, tout cela me plait malgré les années qui ont passé.

 Voir ce petit délinquant de Sète se consacrer à la création musicale, à l'écriture de textes jusqu'à être produit sur toutes les grandes scènes de Paris et de la France entière, me rassure, me fait croire que tout le monde est en mesure de créer artistiquement, que chacun peut être un nouveau Brassens s'il le désire.


 Mais, si j'aime beaucoup Brassens, je me suis posé des questions sur des éléments qui me faisaient douter de lui :



Georges Brassens est-il sexiste ?


 Les chansons de Brassens ont pour beaucoup sujet d'un amour, souvent infidèle. Les femmes sont au centre de ses paroles, et certains textes peuvent sembler offensants. On pourrait penser que Brassens est sexiste, avec la définition que cela aurait à notre époque. 


  Cependant, je ne pense pas que considérer Brassens sexiste soit adapté :

 Si on considère des chansons où il dit du mal de certaines femmes, comme P... de toi ou Misogynie à part, on peut penser qu'il a une mauvaise vision de la gent féminine. Mais il faut bien noter qu'il ne généralise pas, qu'il décrit des exemples particulier, des histoires amusantes à prendre au second degré.

 Par contre, il décrit très souvent les femmes comme étant des pièges dans lesquels les hommes tombent, lui le premier.

 On peut peut-être considéré ça comme sexiste de notre temps, mais n'oublions pas que Brassens écrit a une époque où les femmes obtiennent juste le droit de vote, et où celles qui commencent à se faire appeler "féministes" sont contre l'avortement...

 Mais je pense qu'à sa manière, Brassens est même peut-être le premier défenseur de la cause féminine de son époque : Quatre-vingt-quinze pour cent, illustre à mon avis sa position.

 Certes, il généralise en annonçant que "Quatre-vingt-quinze fois sur cent, la femme s'emmerde en baisant" et fait peut-être des femmes des êtres pleins de pulsions sexuelles inassouvies, mais surtout, il remet en question la dominance sexuelle masculine ancrée dans les esprits.
 De plus, les paroles de Brassens sont à prendre au second degré et humour (dans La guerre de 14-18, il est évident qu'il ne regrette pas les guerres qui ont déchirées le monde)
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 Dans d'autres chansons, il semble défendre clairement les femmes, comme dans A l'ombre des maris, il demande de "ne pas jeter la pierre à la femme adultère" et où il avoue avec humour qu'il choisirait ses amantes selon les qualités du mari plutôt que de la beauté de l'épouse, préférant une amitié à un amour infidèle avec une femme.

 Je ne pense donc pas que Brassens soit sexiste. C'est un homme qui aime les femmes, mais qui les admire et les respecte beaucoup. Il vivrait à notre époque, je pense que les paroles auraient étés différentes, peut-être moins sujettes à controverses.



Georges Brassens est-il homophobe ?


 C'est une question que je me suis posé en me basant sur les paroles de Le Gorille et Les Trompettes de la Renommée. Bien que je trouve ces chansons excellentes, il y a des passages qui m'ont fait douter sur la tolérance de Brassens sur l'homosexualité.




Supposez que l'un de vous puisse être,
Comme le singe, obligé de
Violer un juge ou une ancêtre,
Lequel choisirait-il des deux ?
Qu'une alternative pareille,
Un de ces quatres jours, m'échoie,
C'est, j'en suis convaincu, la vieille
Qui sera l'objet de mon choix !

Gare au gorille !...

Mais, par malheur, si le gorille 
Aux jeux de l'amour vaut son prix, 
On sait qu'en revanche il ne brille 
Ni par le goût, ni par l'esprit. 
Lors, au lieu d'opter pour la vieille, 
Comme l'aurait fait n'importe qui, 
Il saisit le juge à l'oreille 
Et l'entraîna dans un maquis ! 

Gare au gorille !... 


 Que Brassens préfère "violer" une vieille dame plutôt qu'un juge, d'accord si c'est son choix (mettre violer et choix dans une même phrase, me semble un peu contradictoire, d'un coup...). Mais ce qui me dérangeait, c'était qu'il considère qu'il ait agit "comme l'aurait fait n'importe qui" et que le gorille ait choisit le juge parce qu'il manque de "goût" et d'"esprit". 
 Mais je crois que ce qui dérange Brassens, ce n'est pas tant le fait que le juge soit un homme, mais plutôt le fait qu'il soit juge, justement.
 La chanson se termine sur le fait qu'il pleure "comme l'homme auquel, le jour même, il avait fait tranché le cou", et critique donc la peine de mort, pas les pratiques homosexuelles, qu'il aurait aimer raconter : "La suite serait délectable, malheureusement je ne peux pas la dire et c'est regrettable, ça nous aurait fait rire un peu."


Sonneraient-ell's plus fort, ces divines trompettes,
Si, comm' tout un chacun, j'étais un peu tapette,
Si je me déhanchais comme une demoiselle
Et prenais tout à coup des allur's de gazelle ?
Mais je ne sache pas qu'ça profite à ces drôles
De jouer le jeu d' l'amour en inversant les rôles,
Qu'ça confère à ma gloire un' onc' de plus-valu',
Le crim' pédérastique, aujourd'hui, ne pai' plus.


  Ici, je pense que ce que Brassens voulait critiquer, comme au cours de toute la chanson, c'est le journalisme et l'opinion publique. Il dénonce donc le fait que certains sont prêts à tout pour faire parler d'eux, ici de se faire passer pour homosexuel, afin de faire la une des journaux, le buzz dirait-on de nos jours.

 Je ne pense donc pas que Brassens soit homophobe. Les exemples que j'ai cité, qui m'ont fait douté au début, ne sont pas, à mon avis, directement contre l'homosexualité, mais contre ce que les gens peuvent en faire.

 Par contre, oui, Brassens aime trop les femmes pour envisager des relations charnelles (pour lui) avec des hommes. Cependant, il leur réserve un sentiment qu'il juge au moins aussi important : l'amitié. (Les Copains d'abord)


Georges Brassens est-il lié à son temps ?

 Je ne suis pas convaincu que Brassens soit d'actualité éternellement et qu'il finira par être lié à son époque.


 Je pense qu'il est encore d'actualité pour le moment, les thèmes abordés étant suffisamment proches dans le temps et les dénonciations qu'il peut faire dans ses chansons peuvent toujours être faites.

 Il peut être compris par tous, en se penchant un peu sur les textes.
 Il traite des sujets universels et qui concerne les gens de tout âges, comme l'amitié, l'amitié, les conflits générationnels (Le temps ne fait rien à l'affaire), etc.

 Après, est-ce que ces sujets resteront éternellement universels, je ne suis pas sûr... Et le fait que ce soit une chanson française, fait qu'à mon avis, elle ne restera que dans les mémoires de ceux qui parlent la langue... (même si Brassens a traduit certaines de ses chansons en d'autres langues)



Conclusion :


 Je finirais en disant que Brassens reste un modèle pour moi, un exemple d'homme à la fois simple et complexe, qui peut plaire à tous.
 J'aimerais que son histoire et ses chansons inspirent du monde à se tourner vers la création artistique, la chanson populaire ou quoi que ce soit d'autre.
 J'aime beaucoup ses chansons, mais aussi le personnage qu'il y a derrière.

 Et pour finir, voici quelques-unes de mes chansons préférées :


La mauvaise réputation

Brave Margot
Une jolie fleur
Auprès de mon arbre
Le pornographe
Le cocu
Les trompettes de la renommée
La guerre de 14-18
Les deux oncles
Supplique pour être enterré à la plage de Sète
La rose, la bouteille et la poignée de main
La ballade des gens qui sont nés quelque part

Je vous souhaite une bonne fin d'année 2014 et un bon début 2015 !


Pour en savoir plus :

http://www.georges-brassens.com/

Commentaires

  1. Article clair, bien écrit et intéressant notamment du fait que tu donnes ton avis et ta façon de voir les choses sur plusieurs points par rapport à Georges Brassens. Et ceci t'appartient...
    Bravo !
    François M

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  2. Outre le passage cité du gorille qui me fait douter moi aussi, il y a également, dans Les copains d'abord, ceci :
    C'étaient pas des amis de luxe
    Des petits Castor et Pollux
    Des gens de Sodome et Gomorrhe
    Sodome et Gomorrhe
    Pour l'explication de texte, Castor et Pollux, jumeaux inséparables de la mythologie grecque, notamment embarqués à bord du navire Argo pour aller conquérir la toison d'or, sont fils de Zeus ou, pour le moins (selon les versions et concernant Castor), fils de roi. Et l'équipage des Copains d'abord n'a pas le luxe d'une telle lignée. Jusque-là tout va bien !
    Quant à Sodome et Gomorrhe, dans la tradition chrétienne, ces deux villes et leur destruction divine sont évoquées comme fondements de la condamnation de la sodomie et de l'homosexualité. Brassens prend donc la peine de préciser que si les membres d'équipage du bateau s'aimaient bien "toutes voiles dehors", en revanche, ils ne s'aimaient pas à vapeur. Bien entendu, célébrer une amitié virile n'est pas de l'homophobie, mais définir cette amité en opposition à l'homosexualité, cela laisse imaginer un rejet de cette dernière et, quoiqu'il en soit, cela me laisse une certaine amertume alors que j'admire et apprécie énormément l'oeuvre de Brassens de par ailleurs.

    Étienne D.

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