Les Dissociés - Ce Que J'en Pense #4



Dans cette quatrième critique de Ce Que J'en Pense, mon avis sur Les Dissociés, le long métrage web de Suricate.

Je vous encourage à le visionner avant de lire cette critique. N'hésitez pas : il est disponible en intégralité et gratuitement sur Youtube !

Pitch : La vie quotidienne d'un couple banal, un peu looser, se voit perturbée lorsqu'ils se font voler leurs corps et se réveillent dans ceux de deux inconnus.
Avec : Suricate (Julien Josselin, Vincent Tirel et Raphaël Descraques)
Date de sortie : 24 novembre 2015 sur Youtube
Durée : 1h15



CONTEXTE


Suricate est un groupe de jeunes acteurs/réalisateurs/scénaristes, composé de Julien Josselin, Vincent Tirel et Raphaël Descraques.
Ils appartiennent au groupe de vidéastes du web à succès, Golden Moustache, qui est principalement connu pour sa production (quasi) hebdomadaire de courts sketchs, souvent humoristiques.

L'année dernière, ils avaient sorti Le Fantôme de Merde, un moyen-court métrage plutôt sympathique.
Mais cette année, ils voulaient voir plus grand. Ils avaient envie de "faire un film"... et ils l'ont fait.

Spécificités du film : un budget de 150 000 € (pour comparer avec un film français sorti à peu près au même moment, Les nouvelles aventures d'Aladin ont eu un budget de 15 millions €), une somme ridicule au vu de la qualité de la production, une équipe minimale, des acteurs "amateurs", en tout cas qui ne viennent pas du milieu du cinéma...

A noter que le film a été en partie financé par des placements de produits, qui ne sont pas intrusifs (on les repère juste parce que la caméra s'attarde dessus une demi-seconde de trop). 


Une avant-première à Lomme

Le film a été projeté en salles pour plusieurs avants-premières et est finalement mis en ligne gratuitement pour tous le 24 novembre 2015.
Résultats : plus de 500 000 vues en une après-midi, si l'on en croit l’algorithme de Youtube, avec à ce jour près de 2,5 millions de vues.
Des chiffres tout à fait honorables... qui concurrencent, voir devancent, ceux du cinéma français traditionnel (qu'il s'agisse de divertissements ou pas). 


ANALYSE


Alors, qu'ai-je pensé de ce film ?

Eh bien, il m'a beaucoup plu


Lilly (Raphaël Descraques) et
Ben (Julien Josselin) dans leurs nouveaux corps
Oh, le déroulé de l'histoire n'est pas très original, on est pas vraiment surpris par la tournure des événements, il n'y a pas vraiment de retournement de situation.

Mais le scénario a ce petit quelque chose qui me plait bien, qui part d'une idée intéressante (ici, changer de corps) pour broder une histoire par dessus.
Ils sont très forts là dessus, mais jusque là, c'était ce qu'on voyait dans leurs sketchs, des petites vidéos (néanmoins de qualité, la durée ne minimise en rien l'intérêt d'une production) qui essayaient de caser un maximum de blagues ou de situations amusantes sur son thème.

Et là, ils ont pris le pari risqué de faire la même chose, mais "pour le cinéma" (comprenons "un long métrage").
Et ils ont réussi : il aurait été facile de faire succéder des petits sketchs sur les situations cocasses (un mot qu'on emploie jamais assez) résultant des changements de corps, mais l'écueil est évité, le film est correctement construit (voir trop bien, puisqu'on est rarement surpris par le déroulement de l'histoire).

Là où on voit que le film a été réfléchi et bien pensé, c'est que l'humour n'est pas forcément perçu comme le pivot central du film.
C'est le cas dans leurs court-métrages : on attend de leur sketchs qu'ils aient une idée originale qui nous fasse rire, avec une mise en scène et des dialogues drôles, et une chute qui nous surprend.
Dans Les Dissociés, l'humour est omniprésent, sans pour autant monopoliser l'intérêt du spectateur.
Mais l'humour est aussi pas trop lourd, fin, intelligent, et surtout, il ne tombe pas dans des dérives de blagues de beaufs, racistes, machistes, sexistes ou transphobes, ce qui aurait été très facile à faire, notamment avec un scénario dans lequel les genres peuvent s'inverser...

L'humour est donc présent, mais le film laisse aussi la place à d'autres sentiments. On s'attache facilement aux personnages principaux.

Rien à redire au niveau des acteurs, ils sont tous convaincant. Ça manque encore un peu de variété dans les genres et surtout les couleurs, mais ils s'en sortent en disant que les corps ne sont que des enveloppes corporelles, que la personne à l'intérieur est différente.
Magalie (Vincent Tirel) est absolument adorable
Du coup, on a deux des rôles principaux qui sont féminins mais joués par des hommes.
Très progressif, mais bon, les personnages principaux sont au final quand même tous joués par des hommes...

Cela n'empêche que leur interprétation de rôles féminins  est plaisante parce que pas clichée : Raphaël Descraques interprète une femme adulte dans un couple équilibré et Vincent Tirel joue une petite fille de 5 ans (et demi) tout à fait convaincante.

Un petit mot sur la durée puisque le film ne dure "que" 1h15, soit 75 minutes, ce qui est moins que la norme des 90 mins pour les long-métrages (la tendance est même de plus en plus aux 2 heures).
Ce n'est pas gênant, et je pense même que le film aurait perdu de son intérêt en étant plus long. Je ne sais pas si c'est un choix ou un manque de moyen, mais ça me convient.

Ce que j'ai particulièrement apprécié, c'est qu'il aborde les questions d'identité (de genre notamment) de manière détournée, discrète, mais intelligente.
Les cas d'inversions de genre sont sujettes à quelques situations amusantes, mais sans aller jusqu'à des blagues lourdes ou des remarques transphobes. On a même un transgenre pas cliché (un des premiers que je vois dans une oeuvre audio-visuelle...).
Au contraire, les protagonistes sont heureux de pouvoir changer de corps et découvrent les joies de l'autre sexe dans une bonne ambiance communicante. Car admettons-le, on essaierait tous.



CONCLUSION ET OUVERTURE


C'est donc un film qui m'a beaucoup plu et que je conseille à ceux qui ne l'ont pas encore vu.
Je voulais trouver quelques points négatifs pour contrebalancer cet avis majoritairement positif, mais je ne vois pas comment le film aurais pu être mieux vu les conditions et le scénario...

Enfin, ce film est encourageant pour l'avenir.
Il y a encore trop peu de films qui sont mis gratuitement et librement (et légalement) sur Internet par leurs créateurs quand ils peuvent se le permettre.

On entend beaucoup dire qu'Internet est un moyen pour les personnalités du web de se faire connaître afin d'accéder aux médias traditionnels.
Suricate et Golden Moustache nous ont montré qu'Internet pouvait être une fin en soi, une plate-forme d'expression suffisante, à développer comme telle.


Et vous ? Vous en avez pensé quoi ?


Merci d'avoir lu cette critique !

Je vous laisse avec la vidéo pour ceux qui ont la flemme de faire deux clics pour la retrouver (peut-être les mêmes qui paieront plusieurs euros et perdrons leur temps dans les transports pour aller voir un film au cinéma).



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